Et si notre corps décidait pour nous dans notre carrière? – Partie 2

Gabrielle Arsenault
31 mai 2025

Rappel de la première partie

Dans la première partie de ce témoignage, je vous ai partagé les débuts de mon parcours, marqués par un diagnostic précoce, le deuil d’une passion sportive et les premiers ajustements imposés par ma condition de santé. J’y ai raconté comment, malgré les pertes et les remises en question, j’ai trouvé des façons de me réinventer et de tracer une voie qui me ressemblait. Maintenant, je vous partage une période plus délicate, où les défis liés à ma santé s’intensifient, m’invitant à me réajuster encore une fois.

 

Un épisode de rechute qui change tout

Après ma deuxième année universitaire et mon tout premier stage en éducation physique, soit un stage de trois semaines dans une école, j’ai traversé l’un des épisodes les plus déstabilisants de ma vie. J’ai subi une rechute majeure de ma condition, qui m’a menée à une hospitalisation, durant laquelle ma santé a été sérieusement mise à l’épreuve. Même si quelques rechutes, sans besoin d’hospitalisation, avaient marqué mon parcours jusque-là, celle-ci a représenté un véritable tournant. Du coup, je n’ai pas été en mesure de travailler durant l’été, et les conséquences physiques, combinées aux effets de la médication, se sont fait sentir pendant longtemps. C'est à ce moment que les doutes ont commencé à émerger quant à mon avenir professionnel, même si je ne voyais pas encore d’alternative claire.

En septembre de la même année, j’ai déménagé à Moncton pour continuer mes études en éducation physique. Les cours pratiques devenaient de plus en plus difficiles à suivre, en grande partie à cause de mes douleurs dorsales, mais aussi en raison des effets secondaires de la médication. Il m’était difficile d’accepter mes limites physiques, surtout par crainte du regard des autres.

Comme ma maladie est invisible, je devais constamment me justifier, parce que je ne « paraissais pas malade » ou en douleur. Je me sentais incompétente, comme si mes efforts ne suffisaient jamais à suivre le rythme attendu. J’ai toujours été portée par ma résilience et mon désir de bien paraître, mais j’ai compris, à ce moment-là que je devais apprendre à écouter mon corps avant tout.

Même en écrivant ce texte, je sens encore une hésitation. Mettre des mots sur mon expérience, c’est aussi m’exposer à ce que les autres en pensent. Comme beaucoup de personnes vivant avec une condition de santé, je crains que celle-ci prenne toute la place, qu’elle me définisse aux yeux des autres, alors que je suis bien plus que ça.

 

Réorienter sa carrière en écoutant ses limites

La résilience a toujours fait partie de mon parcours. J’ai donc terminé mon baccalauréat, même avec les difficultés rencontrées. Le questionnement était déjà présent depuis un moment, mais c’est véritablement lors de mon dernier stage de quatre mois que j’ai compris que, si je voulais vraiment écouter mon corps, je devais envisager un changement de direction. Ce stage a été éprouvant, et il m’a confrontée à mes limites.

C’est seulement à la toute fin de mon parcours qu’une nouvelle possibilité s’est présentée à moi : la maîtrise en orientation. Et cette fois, je n’ai pas hésité. J’ai senti clairement que c’était la suite naturelle de mon parcours, alors je me suis lancée sans doute. Le fait de devoir faire un choix s’est imposé encore une fois, comme une réponse à la réalité que l’éducation physique ne correspondait plus à ce que je pouvais soutenir. Ce changement m’a permis d’ouvrir une nouvelle porte que je n’aurais peut-être jamais envisagée autrement. Je me rattache souvent à la phrase « tout arrive pour une raison », et j’essaie, autant que possible, de garder une perspective positive face à ces changements, même lorsqu’ils occupent beaucoup d’espace et amènent leur lot de difficultés.

 

Transformer les détours en force sur le plan personnel et professionnel

Avec le recul, je réalise que même si mon parcours est loin d’être simple ou prévisible, il me permet de développer des forces que je n’aurais jamais cru possibles aussi tôt. Je dois constamment m’adapter ; apprendre à vivre avec une réalité changeante, à réajuster mes projets en cours de route, et surtout, à m’écouter autrement. Chaque détour, chaque pause imposée me pousse à revoir mes repères et à faire preuve de flexibilité, tout en restant connectée à ce qui me motive vraiment.

Cela dit, tout n’est pas toujours sombre. Il y a aussi des journées plus douces, traversées par des instants de clarté, de calme ou même de joie, qui me rappellent que je ne suis pas que mes défis. J’avance une journée à la fois, en m’ajustant au rythme que la journée m’impose, avec confiance en ma capacité d’adaptation.

Ce cheminement m’enseigne également que l’espoir ne se trouve pas toujours dans les grandes victoires visibles, mais bien dans les petites avancées et dans la capacité à continuer malgré l’incertitude. Il y a quelque chose de profondément lumineux dans le fait de croire que, même si tout ne se déroule pas comme prévu, je peux toujours construire un avenir à mon image.

Quant à la résilience, elle s’ancre en moi comme une seconde peau. Elle ne signifie pas ignorer la douleur ou nier les difficultés, mais plutôt apprendre à avancer avec elles, à transformer les obstacles en apprentissages, et à me relever avec un regard un peu plus doux, un peu plus lucide.

Partager cette histoire n’est jamais complètement facile ou évident, car cela demande de me rendre vulnérable et de mettre de côté la peur du jugement, mais je sens que c’est une façon de contribuer autrement, en offrant un espace sincère où d’autres peuvent se reconnaître. Dans mon rôle de future conseillère en orientation, que ce soit chez Nxcareer ou ailleurs, mon vécu me permet de rencontrer les gens avec plus d’empathie, de nuance et de respect pour leur propre rythme. Comprendre de l’intérieur ce que c’est que d’avoir à s’adapter, à renoncer, puis à se réinventer, me donne des repères concrets pour accompagner celles et ceux dont le parcours sort des sentiers battus. Même si je ne sais pas exactement ce que l’avenir me réserve, je sais que j’ai en moi les ressources nécessaires pour l’accueillir à ma manière.

Mon histoire n’est qu’une parmi tant d’autres, mais si elle peut offrir un peu de lumière ou de reconnaissance à celles et ceux qui avancent dans l’ombre, alors elle aura déjà fait une différence.

 

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